C’est l’histoire de deux jeunes devenus amis après avoir compris l’importance de l’honnêteté pour préserver une véritable amitié.
Un jour,
l’un d’eux, probablement celui qui supportait mal les offenses, confia ceci à
son ami :
– Je ne l’aime pas. On discute souvent, on
partage des idées… mais je ne le supporte pas. Il m’a souvent aidé. Sans lui,
franchement, j’aurais pu échouer dans la vie. Mais… je ne le ressens pas.
– Pourquoi ? demanda son ami.
– Il a des façons étranges d’agir. Il
fait comme s’il savait tout. Son comportement devant les autres m’écœure.
– Ah bon ! Et tu lui as déjà dit tout ça ?
– Oh non, jamais.
– Et pourquoi pas ?
– Parce qu’il ne m’écoutera pas. Et puis, il est comme ça avec tout le monde.
– Pourtant, tu continues à le fréquenter ? Ce n’est sûrement pas ton ami,
alors.
– Bien sûr que si. C’est mon ami, je l’aime bien.
– Tu penses que le porter dans ton cœur est une preuve d’amour ?
– Je suppose.
– Franchement, tu n’es pas honnête.
– Pourquoi tu dis ça ?
– Dis-moi… Est-ce que je suis ton ami ?
– Aucun doute là-dessus. Tu le sais.
– Bien. Mais me laisserais-tu échouer si tu pouvais m’aider ?
– Jamais de la vie.
– Je te crois. Mais ce désir de m’aider ne fait pas de moi un homme parfait,
n’est-ce pas ?
– Non, bien sûr.
– Tu sais que j’ai des faiblesses aussi ?
– Certainement.
– Pourtant, tu m’aimes assez pour craindre mon échec.
– Oui, c’est vrai.
– Et pourquoi cette autre personne qui a besoin de ton aide ?
– Ce n’est pas pareil.
– Peut-être… Mais ici, on parle d’amitié. La vraie. Quand on a un ami, on le
supporte. On ne fait pas semblant de l’aimer juste pour profiter de ses
qualités. On l’aime avec ses bons côtés, ses défauts… et on lui parle de ses
erreurs.
– Tu as raison… Merci pour ton avis.
– Ne me remercie pas. Pas avant d’aller lui dire ce que tu ressens. Si tu n’en
es pas capable, alors ton amitié n’est pas authentique.
– Tu crois que je devrais arrêter de le fréquenter ?
– Oui. Il te faut autant de courage pour lui dire la vérité… que pour te
détourner de lui si tu refuses de le faire.
Ce soir-là,
l’ami resta seul un moment dans un coin. Les paroles qu’il venait d’entendre
résonnaient en lui comme des échos qui refusent de s’éteindre.
Il se
demandait : "Et si je perdais cet ami en lui parlant franchement ? Et
si, au contraire, je le perdais déjà depuis trop longtemps, justement parce que
je gardais le silence ?"
Le
lendemain, il prit son courage à deux mains. Il chercha son ami et l’invita à
marcher non loin de son domicile. Après quelques pas dans la rue calme, il se
lança :
– J’ai besoin de te parler. Pas pour te
blâmer, mais pour être honnête avec toi.
– Je t’écoute, répondit l’autre avec étonnement.
– Il y a des choses que tu fais, des attitudes… qui me dérangent. Je t’aime
bien, vraiment. Tu m’as beaucoup aidé, mais parfois j’ai l’impression que tu
joues un rôle, que tu veux impressionner… et ça me rend mal à l’aise.
– Tu crois que je suis faux ?
– Non… Je crois que tu cherches à être aimé, comme nous tous. Mais je pense que
tu pourrais être mieux compris si tu étais plus réservé.
– Et pourquoi tu ne m’as rien dit avant ?
– Parce que j’avais peur. Peur de te perdre. Mais aujourd’hui je préfère te
dire la vérité en face, parce que je tiens à notre amitié.
L’ami baissa les
yeux dans un silence rare. Puis après un long moment, il marmotta :
– Merci. Tu es le premier à me parler comme ça. Tu m’as blessé un peu…
mais tu m’as fait du bien.
Ils
marchèrent encore, sans rien dire. Le silence, cette fois, n’était pas un mur mais
un pont.
Une amitié
sincère ne se mesure pas à la quantité de mots échangés ni à l’absence de
conflits, mais à la capacité de dire ce qui blesse sans vouloir blesser.
Celui qui ose la franchise pour protéger ce lien précieux devient non seulement
un ami fidèle, mais aussi un vrai miroir qui nous apprend à mieux nous voir et nous
comprendre.
Car aimer, ce n’est pas idéaliser l’autre, c’est l’accepter, le corriger, et l’élever, avec respect et bienveillance.
Texte de Jérôme D. Emerson
Juillet 2025
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