Je suis de ceux qui croient en la puissance de la prière et du jeûne, qu’il soit physique ou spirituel. Dans les moments difficiles, l’homme, et tout particulièrement le chrétien, est appelé à se consacrer à la prière pour chercher la volonté de Dieu et savoir comment agir. La Bible nous donne de nombreux exemples de jeûne.
Dans sa détresse, David jeûna pour exprimer sa
douleur et intercéder pour la vie de son enfant (2 Samuel 12:16). Esther
rassembla les Juifs pour un jeûne collectif de trois jours en vue du salut de
son peuple (Esther 4:16). En vue de reconstruire les murailles de
Jérusalem, Néhémie jeûna devant Dieu (Néhémie 1:4). Face au
danger, Josaphat proclama un jeûne pour tout Juda (2 Chroniques 20:3).
Et pour éviter le jugement divin, les habitants de Ninive annoncèrent un
jeûne collectif en signe d’humiliation (Jonas 3:5).
Il s’agissait là de pratiques profondément ancrées dans
le judaïsme, accomplies par un peuple choisi qui s’adressait directement à son
Dieu. Mais avec la venue de Jésus, le Nouveau Testament donne au jeûne une
dimension nouvelle et intérieure.
En Matthieu 4:2, nous voyons que Jésus jeûna
quarante jours et quarante nuits avant de commencer son ministère, un temps de
consécration unique lié à sa mission messianique. Il ne nous commande pas de
faire comme lui, mais son exemple montre l’importance de se préparer
spirituellement.
Dans Matthieu 6:16–18, Jésus enseigne à jeûner
avec simplicité, discrétion et sincérité. Ce type de jeûne est intime, inutile
de l’afficher comme une pratique religieuse pour impressionner les autres.
C’est une démarche du cœur. Anne, prophétesse, servait Dieu nuit et
jour dans le jeûne et la prière (Luc 2:37). Elle vivait une vie
consacrée à Dieu.
L’Église primitive jeûnait dans diverses circonstances : Avant
d’envoyer Paul et Barnabas, elle jeûnait (Actes 13:2–3). Pour
désigner les anciens, les apôtres jeûnèrent (Actes 14:23). Le jeûne
accompagnait des décisions clés et des moments de consécration.
Jésus savait aussi critiquer les jeûnes hypocrites des
religieux. Ce n’était pas parce qu’il manquait de connaissance, mais parce
qu’il voyait le cœur. Les pharisiens se vantaient de jeûner deux fois
par semaine (Luc 18:12). Pour Jésus, le jeûne ne doit jamais devenir un
motif d’orgueil ni de supériorité spirituelle, comme le pensent parfois ceux
qui croient être plus puissants en raison d’une discipline religieuse.
À moins qu’il n’existe un nouveau verset dans le Nouveau
Testament ajouté par des "nouveaux apôtres", le jeûne chrétien reste
essentiellement personnel. Il peut aussi être pratiqué en petit groupe,
selon les exemples bibliques précités. Jésus ne nous enseigne pas de jeûner
pour la nation ni d'organiser des jeûnes publics dans le but de remplacer une
action citoyenne ou politique. L’histoire nous parle de Dessalines, Gandhi,
Fidel Castro, et tant d'autres qui ont agi pour libérer leur peuple de
l’oppression, souvent sans recours au jeûne mais avec détermination et
sacrifice.
Il n’est donc pas inutile pour autant de prier ou de
jeûner pour sa nation car le Nouveau Testament nous exhorte à prier pour
tous : “J’exhorte donc, avant toutes choses, à faire des prières, des
supplications, des requêtes, des actions de grâces, pour tous les hommes.”
(1 Timothée 2:1).
Et plus loin, Paul recommande de prier : “…pour les rois et
pour tous ceux qui sont élevés en dignité, afin que nous menions une vie
paisible et tranquille, en toute piété et honnêteté.” (1 Timothée 2:2).
Ce verset justifie pleinement la prière pour les
autorités et donc, la prière pour notre pays. Il nous invite à
intercéder pour que les gouvernants agissent avec justice et sagesse,
permettant à la société de vivre dans la paix.
Cependant, sommes-nous assez unis, comme le
recommande Jésus en Matthieu 18:19, pour espérer une réponse favorable
du ciel ? Nous savons que l’unité est essentielle, surtout lorsqu’il s’agit
d’intercéder pour préserver nos frères et sœurs face à une menace, comme une
déportation massive. Mais aurons-nous encore besoin de trois jours de jeûne
pour laver cette gêne qui souille notre dignité collective ? Et lorsque Dieu
exaucera nos prières, serons-nous conscients qu’il ne nous demande pas
seulement des mots, mais une vie unie, transformée,
et fidèle à sa volonté ?
Oui, Dieu peut répondre. Mais serons-nous prêts à vivre dans l’unité qu’Il
souhaite ?
Pas une unité de façade. Pas une unité fondée sur la peur du malheur. Mais une
unité fondée sur l’amour mutuel, la responsabilité collective, et la
dignité restaurée.
Le jeûne est puissant. Il est un cri intérieur, un acte
d’humiliation, une prière silencieuse adressée au ciel. Mais il n’est pas une
échappatoire. Trois jours de jeûne ne peuvent effacer 362 jours de désunion,
d’oubli spirituel ou de compromission nationale.
Dieu entend. Il répond. Mais il nous appelle aussi à vivre
en unité, à porter ensemble le fardeau de nos familles, de nos frères et de
notre terre. Le vrai miracle ne vient pas seulement après le jeûne, mais par
la communion des cœurs qui persiste lorsque le jeûne est terminé.
Il est temps de cesser de cacher notre gêne sous des
gestes religieux éphémères. Il est temps de faire de notre intercession un mode
de vie, une marche collective, une réponse à l’appel du Christ : “Si deux
d’entre vous s’accordent sur la terre pour demander une chose quelconque…” (Matthieu
18:19).
Que ce jeûne ne soit pas une pause spirituelle dans notre
gêne nationale, mais le début d’une résurrection collective, fondée sur
la prière, l’humilité, et surtout, l’unité.
Jérôme D. Emerson
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