Entre ministère et entreprise, la frontière est souvent floue pour les jeunes artistes évangéliques, en particulier en Haïti, étant donné les difficultés financières liées à la production en studio et au marketing. Avant de se lancer dans la musique chrétienne, il est crucial de bien comprendre cette distinction. Trop nombreux sont ceux qui investissent du temps et de l’argent sans avoir pris le recul nécessaire. Ce blog a pour but d’alerter les chanteurs en herbe sur une erreur fréquente : considérer la musique chrétienne comme une source de revenus avant de la comprendre comme une vocation.
Expérience personnelle dans le monde
musical
En 2010, à Liancourt, grâce au
soutien d’amis, j’ai produit mon premier album évangélique, composé de dix
titres : une intro, huit chansons et une outro. Malgré cela, ce fut un échec
commercial. J’ai persévéré en studio jusqu’à abandonner définitivement en 2019,
après la sortie du morceau Mèsi, disponible sur ma chaîne YouTube (Mesi, fre Emerson). Compositeur, chanteur et beatmaker, tous ces
atouts semblaient jouer en ma faveur, mais cela n’a pas suffi.
Voyant l’échec
approcher, comme ce fut le cas pour le dessin en 2004 à Port-au-Prince, j’ai
choisi de chanter pour le plaisir, l’évangélisation et l’édification, tout en
aidant d’autres jeunes à percer. J’ai ainsi produit plus de vingt titres, entre
collaborations et productions d’autres artistes. Mon investissement s’est
ensuite orienté vers l’informatique, l’imprimerie, la promotion de la lecture ainsi
que l’enseignement séculier et chrétien. Ces raisons suffisent-elles à conclure
que la musique chrétienne est une carrière maudite ? Non. Des artistes comme
Delly, Frè Gab ou Loutchina ont prouvé le contraire.
Entre ministère et entreprise
À mon sens, la
musique chrétienne peut relever soit du ministère, soit de l’entreprise, voire
d’un équilibre entre les deux.
Ministère : c’est le cas
lorsqu’un chanteur ou un groupe s’engage à édifier spirituellement (cf.
Éphésiens 5.19, Colossiens 3.16), comme une chorale dans une église locale, où
il ne s’agit pas de monétiser l’adoration.
Entreprise : c’est
lorsque l’artiste demande une rémunération préalable pour une prestation dans
une église, une croisade ou un concert. Il entre alors dans une logique
commerciale. Or, la Bible n’encourage pas la transaction dans le culte.
Chant ou cantique spirituel?
Un chant est
une composition musicale avec des paroles tandis qu’un cantique est un chant
spirituel inspiré pour exprimer la foi. Faut-il forcément produire un album de
cantiques spirituels pour faire carrière dans la musique chrétienne ? Non. De plus, la Bible n’impose pas cela. Tout comme les chrétiens
peuvent pratiquer la médecine ou enseigner sans vocation spirituelle
spécifique, ils peuvent aussi composer des chants patriotiques, sentimentaux ou
éducatifs tout en restant fidèles aux valeurs chrétiennes.
Une entreprise dans le ministère
Exiger de
l’argent tout en se présentant comme psalmiste crée une confusion, peut-être
involontaire. D'autant plus, l’art de chanter n’est pas identifié comme
un don spirituel dans les textes bibliques (Romains 12, 1 Corinthiens 12), bien
qu’il puisse être utilisé pour servir le Royaume. Le diaconat est un exemple de
service non vocationnel. Si, malgré tout, il devient une source de
profit, il relève alors du simonisme, qui est condamné dans Actes 8.7–24.
Pourtant, rien n’interdit aux chrétiens de chanter des thèmes tels que l’amour,
la paix ou l’unité.
L’erreur stratégique
Se lancer dans l’industrie de la musique chrétienne sans évaluer
les sacrifices nécessaires pour affronter la réalité. Le succès a un coût.
C’est pourquoi les apôtres n’ont jamais échangé des miracles contre de l’argent
(Matthieu 10.9). Dieu pourvoit aux besoins de ses serviteurs (3 Jean 5-8). Sa
gloire ne se partage pas avec une quête de profits personnels.
Un artiste peut
réussir, mais il lui faudra investir dans sa formation et ses productions, et
offrir un talent authentique, travaillé et discipliné. Sinon, il peut servir
par la musique grâce à l’autofinancement ou à des dons, tout en exerçant une
activité professionnelle parallèle lui permettant de gagner sa vie.
Les jeunes
artistes ne devraient pas condamner les églises lorsque leurs efforts ne sont
pas récompensés. Au contraire, comme dans toute vocation, il faut persévérer.
Une carrière musicale chrétienne est possible, mais elle exige préparation,
discipline et vision claire.
Message aux jeunes artistes chrétiens
Si vous
souhaitez vous lancer, inspirez-vous des modèles de réussite… et ne croyez pas
qu’un texte évangélique, une belle voix et une bonne prestation suffisent pour
réussir une carrière musicale. Ceux qui comprennent cela tôt corrigent leurs
erreurs et prennent le chemin approprié, sans compromettre l’Évangile.
Jérôme D. Emerson
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